L’Inquisition, rempart de la Foi?
Il peut être beaucoup pardonné à Montfort dont la guerre était le métier. En revanche, quelles excuses peut-on trouver à une Eglise qui se veut “révélée”, dont le principe fondamental est l’Amour du Prochain alors qu’elle met en place une institution destinée à éliminer toute contestation de son dogme qui, lui, a été (et sera toujours) élaboré par des hommes selon les circonstances du moment!
Alors l’Inquisition, rempart de la Foi? comme Laurent Albaret le laisse entendre sans toutefois y croire vraiment, ou machine infernale? selon de plus en plus d’historiographes contemporains : Voilà le premier sujet, ô combien épineux, que nous allons aborder.
Déjà, dans la forme, on peut remarquer que “rempart” implique une notion défensive contrairement à “machine” qui décrit un instrument d’action. Chacun choisit l’une ou l’autre de ces deux notions selon qu’il se définit comme étant l’agressé et donc en état de “légitime défense.”
Le débat quant au fond aurait dû montrer plus d’impartialité puisqu’il s’agissait de discuter sur la Foi Chrétienne, c’est à dire sur l’existence du Dieu Bon et Miséricordieux des Saintes Ecritures.
Or, après quelques tentatives de solution “à l’amiable” sous forme de controverses et débats publics, l’Eglise romaine, mauvaise perdante, avec le soutien des gouvernants, a jeté tous ses opposants au cachot ou sur le bûcher.
Quels mots doit-on employer pour qualifier une telle attitude? “Défense de l’orthodoxie contre l’hérésie qui la gangrène” ou plus simplement crime idéologique contre l’humanité dans la recherche d’une “pureté religieuse,” à rapprocher de la “pureté ethnique” chère à certaines doctrines fascistes? Si l’on compare les méthodes employées, la balance penche plutôt vers le deuxième argument.
Après avoir compulsé tous les documents en sa possession qui émanaient le plus souvent des inquisiteurs eux mêmes, Jean Guiraud, dans les années 1930, fait la remarque suivante : le cardinal de Saint Ange avait intimé à Raymond VII de Toulouse l’ordre de pourchasser les hérétiques et de les exterminer après avoir confisqué leurs biens. J. Guiraud poursuit :” Pour agir ainsi, il fallait les (les hérétiques) rechercher avec d’autant plus de soin que ne pouvant plus compter sur la faveur des princes, ils allaient désormais se cacher en donnant à leur secte le caractère d’une société secrète. Cette recherche (inquisitio) des hérétiques en vue de leur procès et de leur extermination fut l’Inquisition”. On ne peut être plus clair sur le rôle dévolu dès sa création à cette institution! Extermination des gêneurs et confiscation de leurs biens, c’était tout bénéfice pour l’Eglise romaine! Mais cherchant à en minimiser la responsabilité, il ajoute : ” A vrai dire, elle (l’Inquisition) n’était pas une nouveauté, nous avons vu plus haut que dès les origines mêmes du christianisme, les princes, empereurs romains et byzantins, rois de France, avaient édicté des mesures sévères pour réprimer et punir l’hérésie à cause de ses doctrines anarchiques et antisociales. Les papes du XIIe siècle n’avaient fait que marcher sur leurs traces, lorsqu’ils avaient publié des ordonnances contre les hérétiques de plus en plus dangereux et ordonner aux souverains de les exécuter”.
Dans cette triste affaire, et malgré tout le crédit que l’on peut accorder à Jean Guiraud, l’Eglise est non seulement responsable mais coupable. Elle ne peut pas se retrancher derrière une argutie puérile du genre “c’est pas moi qui ai commencé” parce que, à l’époque,c’est elle qui faisait et défaisait les rois et les puissants de ce monde. Elle avait les moyens d’imposer que de telles pratiques ne soient pas tolérées. De plus, quand ses privilèges temporels ont été menacés, elle est intervenue immédiatement et sans le moindre état d’âme.
En quoi l’hérésie cathare pouvait-elle troubler l’ordre social? “Ses doctrines anarchiques et antisociales” parce que basées sur le paratge, la liberté d’expression et la libération de la femme étaient seulement en avance sur leur temps mais quelles lois divines ce comportement enfreignait-il?
L’Eglise de Rome, en tant qu’institution, a laissé s’accomplir les pires atrocités, et quand elle s’est sentie menacée, n’a pas hésité à créer l’instrument le plus diabolique qui soit. Avec la délation et la peur élevées en principes et la torture pour dernier argument, l’Inquisition, inventée tout exprès pour éradiquer le catharisme occitan, a servi, jusqu’à nos jours, de modèle pour réduire au silence tous ceux qui avaient l’audace de penser autrement.
Bien plus, elle a servi d’alibi aux chasses aux sorcières, aux massacres des peuples indigènes des Amériques, ainsi qu’à tous les intégrismes, dictatures, régimes totalitaires basés sur la terreur et à toutes les guerres, religieuses ou autres.
Des siècles de dissimulations ou d’interprétation partisane des rares documents que l’Eglise a bien voulu conserver n’ont certainement pas contribué à une recherche objective et dépassionnée de la vérité historique. Mais depuis quelques dizaines d’années d’autres opinions voient le jour. Sûrement subjectives et passionnées elles aussi, elles ont néanmoins le grand mérite de dévoiler l’autre facette de l’Histoire. Pour vous inciter à découvrir “l’autre vérité”, nous vous conseillons la lecture de l’article de Bertran de la Farge (1) proposé à l’article suivant.
(1) Bertran de la Farge est scientifique et historien. Des Celtes aux troubadours et aux cathares, de l’idéal médiéval du paratge, il restitue leur histoire et leurs racines. Ecrivain, il est l’auteur de Raymond VI, le comte excommunié, de la voie cathare et d’un précis sur la croix Occitane. Il est aussi président d’associations emblématiques, telles que Convergencia Occitana et la flamme cathare.
Il a bien voulu mettre complaisamment à notre disposition cet article qui est destiné à l’argumentaire de son prochain ouvrage. Il vous est donc proposé en avant-première.