Une pensée cathare bogomile contemporaine selon Pierre Authié de Carcassonne
Après avoir lu une grande partie des textes historiques connus à ce jour et différentes exégèses des évangiles canoniques ou apocryphes, après avoir cherché dans d’autres religions, d’autres spiritualités, d’autres pensées philosophiques et essayé d’en savoir toujours plus sur les mythologies anciennes, après avoir été éclairé par les remarquables analyses de Ruben, Yves, Bertran et d’autres encore, il est temps pour moi de présenter, en quelques mots maladroits sans doute, ma compréhension personnelle de la spiritualité chrétienne bogomile cathare.
Pourquoi ou pour quoi sommes nous ici?
Cette question s’adresse bien entendu à l’être humain qui a pleinement conscience de sa condition et non à “l’être uniquement animé” par ses pulsions et ses appétits de toutes sortes.
Considérant le monde qui nous entoure et les combats toujours plus sauvages qui se jouent au quotidien et à tous les niveaux dans cette lutte pour la vie, force est de reconnaître qu’on est loin du meilleur des mondes possibles cher à Candide. Il faut donc admettre que le monde visible, notre univers, est un monde de déchéance. Sa loi fondamentale est la loi de la relativité, le Big Bang a été son commencement et inéluctablement il aura une fin. Cet univers matériel qui nous baigne ne peut pas, métaphysiquement parlant, avoir été créé par un Principe Absolu puisque l’Absolu est justement le contraire du relatif qui constitue notre environnement. En conclusion, le monde visible, matériel, est régi par un Principe Relatif, fort bien mis en image par le mythe de la Chute.
C’est en effet très exactement ce que montrent les courants de pensée gnostiques, chrétiens, bogomiles et cathares.
Le principe Absolu appelé le Dieu Bon est le créateur de toutes choses dans l’absolu mais le Principe Relatif appelé Prince de ce monde, Démiurge, est ici-bas l’ordonnateur et le régisseur de l’univers.
L’être humain fait donc partie de l’univers par tous les éléments constitutifs de son corps mais son esprit, sa conscience, son désir d’Absolu doit le ramener au monde supérieur, au Ciel métaphysique. L’Esprit est la parcelle de Divin cachée dans la matière. Seul l’Homme, grâce à son niveau de connaissance et de conscience est à même de la découvrir et de la faire fructifier.
Pourquoi le mal existe-t-il ici?
Le problème du mal est délicat et toutes les philosophies ou religions y ont été confrontées avec des résultats divers. Pour rester dans le christianisme, disons que les catholiques, protestants et orthodoxes sont unanimes pour affirmer que le mal existe parce que l’homme doit expier, le mal étant un juste châtiment pour les fautes commises. On voit immédiatement la dérive : un pouvoir ecclésiastique renforcé par la nécessité de confesser en privé ses ” péchés” pour bénéficier de la sacro-sainte absolution. D’où les pénitences imposées, les indulgences promulguées, et finalement la guerre sainte contre les suppôts de Satan.
Rien de tel dans le christianisme primitif et donc chez les bogomiles et les cathares. Le mal est ici-bas parce que dans ce monde relatif, le Bien seul n’existe pas. D’ailleurs sans le mal, comment aurions nous conscience du bien? Le monde inférieur qui nous sert de prison peut être considéré comme mauvais, selon certains, comme ni bon ni mauvais selon d’autres, la meilleure définition que l’on pourrait lui donner est qu’il est “passable” dans tous les sens du terme.
Quel est le message transmis par le Christ?
Si l’on veut se revendiquer “chrétien” il faut admettre la “réalité” du Christ. Tous les historiens se sont penchés sur les textes visant à prouver l’historicité du personnage. La religion lui a donné une famille, une enfance, une existence.
Le bogomilisme cathare ou le catharisme bogomile n’accorde qu’une importance toute relative à un ” Christ personnel “, alors que la religion dogmatique vouait au bûcher Ariens, Manichéens, Pauliciens, Bogomiles, Cathares et bien d’autres encore parce qu’ils avaient des opinions non conformes sur la nature de Jésus-Christ.
Tous ces hérétiques considéraient cependant que le message est plus important que le messager même si le messager est l’émanation (et pas forcément l’incarnation) du Principe Absolu. Le Christ est le Logos, tout comme le Logos est aussi le message. En fait message et messager sont “Un” dans l’absolu. Le message tient en un seul mot : AMOUR.
Le christianisme bogomile cathare fournit une réponse claire aux deux premières questions et livre le message christique sans aucun artifice.
Alors que l’église romaine s’est enferrée dans une conquête hégémonique du pouvoir temporel, le véritable christianisme a suivi la voie d’humilité et d’amour prescrite par l’Evangile. Peu importe en somme qu’il y ait filiation ou non entre marcionites, valentiniens, manichéens, bogomiles et cathares; ceux qui vivent le Christ en eux, là sont les vrais chrétiens. Il n’est qu’à voir ce que dit Fauste le manichéen avant d’être ” réfuté ” par Augustin : ” vous me demandez si je reçois l’Evangile? Vous le voyez en ce que j’observe ce que l’Evangile prescrit : c’est à vous à qui je dois demander si vous le recevez, puisque je n’en vois aucune marque dans votre vie. En ce qui me concerne, j’ai quitté père, mère, femme et enfants, l’or, l’argent, le manger, le boire, les délices, les voluptés, content d’avoir ce qu’il faut pour la vie d’un jour à l’autre. Je suis pauvre, je suis pacifique, je pleure, je souffre la faim et la soif, je suis persécuté pour la justice; et vous doutez que je reçoive l’Evangile?”. Il est possible que les cathares ne soient pas manichéens, mais il convient, en toute sincérité, de décerner le ” titre ” de cathare à cet homme exemplaire que fût Fauste le Manichéen.
D’ailleurs, pour en savoir un peu plus sur ce personnage, sur les Manichéens en général et sur la façon dont Augustin les a réfutés, il n’est peut être pas inutile d’aller lire ces quelques pages. Manichéens et Cathares, même combat!
Le mythe de la création contenu dans la Cène Secrète ou dans d’autres textes bogomiles explique, est-il besoin de le rappeler, que le démiurge, soit par orgueil soit par ignorance a voulu se substituer à Dieu et faire oeuvre de création. Il n’a pas réussi à animer les corps de boue qu’il avait façonnés et a, selon les versions, soit demandé l’aide de Dieu, soit lui même enfermé les âmes de nature divine dans leurs corps d’oubli. Le résultat étant que sans l’aide active ou passive du Dieu Absolu, le démiurge n’aurait pas pu réaliser son dessein.
Ce mythe est en quelque sorte confirmé de façon étonnante par la théorie scientifique du Big Bang qui ne peut expliquer l’expansion de l’Univers qu’à partir de l’instant T=10-43 seconde après le Big Bang. A cet instant s’est produit ce que les scientifiques nomment l’inflation, que le mythe appelle le Souffle divin, que les bogomiles traduisent par la Volonté Divine d’animer la matière.
Ce que l’on peut comprendre, à la lumière de nos connaissances actuelles et pour peu que l’on laisse de côté la rigueur scientifique pour faire une démarche plus métaphysique, c’est qu’à ce fameux instant T, ce qui n’était qu’un point immatériel sans Vie, un “Little Flop”, a obtenu du Principe Absolu la seule Force que ce Principe pouvait donner : c’est l’AMOUR DIVIN que chaque particule a reçu mais que seul l’être humain peut estimer en conscience à sa juste valeur. AMOUR DIVIN est même un pléonasme car cet AMOUR Agapè est divin par définition. C’est une force que l’on peut ni mesurer et encore moins diviser. C’est, à mon avis, un contre sens de penser que, plus nombreuses sont les bonnes âmes qui rejoignent l’Esprit, moins il y a d’AMOUR ici-bas, expliquant par là la violence croissante et la montée de haine que nous constatons tous les jours. L’Amour est toujours aussi présent mais il est seulement plus profondément caché. L’AMOUR est TOUT, et indivisible, la partie ayant la même force absolue que le tout. L’AMOUR est aussi la manifestation perceptible de cette force divine. Il est donc bien Christ-Logos-Esprit pour reprendre la symbolique cathare.
Il est bien certain que cette vision des choses ne sera jamais confirmée par les scientifiques ni par les historiens du catharisme mais c’est, en toute bonne foi, ce qui me semble expliquer la pensée chrétienne bogomile cathare ainsi que l’univers imparfait qui m’entoure (1).
Il y a deux mille ans le message était forcément dit et perçu différemment, mille ans plus tard les Bonshommes ont eux aussi été obligés de le faire connaître avec une imagerie conforme à celle de leur époque. Mille ans ont encore passé et le message est toujours le même :
Aimez vous les uns les autres comme Dieu vous aime.
Tout est résumé dans ces quelques mots. Pas de Loi, pas d’interdits, pas de jugement, pas d’anathèmes. Commençons à nous connaître, à opérer une conversion, un retournement en nous. Ce bouleversement doit ensuite nous amener à voir en tout un sujet d’Amour et non plus un objet de convoitise.
Il faut retrouver au tréfonds de soi le Divin qui y est caché ainsi qu’une perle rare, le Christ-Logos-Agapè a montré ce qu’il fallait faire pour y parvenir.
Peut être qu’une petite histoire plus d’actualité peut aider à la compréhension :
Un soir, à la tombée de la nuit, un homme prénommé Pierre, au volant d’une belle automobile s’arrête pour prendre en stop un vieillard sans le sou et son maigre bagage.
– Où allez vous? Demande Pierre au vieil homme
– Qu’importe, je vais où tu vas. Cela fait pas mal de temps que j’attends ici, j’ai vu passer beaucoup de voitures qui ne se sont pas arrêtées mais je ne suis pas pressé, je savais que j’allais te rencontrer.
– Eh bien moi, je viens d’acheter cette superbe voiture neuve et je rentre chez moi, la route ne sera pas très longue mais c’est une route de montagne, sinueuse et escarpée. Installez vous confortablement.
– Parfait, dit l’ancien.
A peine ont-ils fait quelques kilomètres que la belle mécanique s’arrête d’un coup. Il fait maintenant nuit noire et même les phares ne fonctionnent plus.
Pierre commence à se lamenter et surtout à pester contre ce sort injuste qui le récompense si mal de sa bonne action.
– Ce n’est pas bien grave sourit le brave homme, laisse moi le volant et tout va s’arranger.
– Vous plaisantez! Je ne vais pas “confier” ma superbe voiture en pleine nuit à un vieillard inconnu qui n’y voit sûrement rien du tout! En plus je suis certain que vous n’avez pas de permis!
– Tu sais, jeune homme, en effet, c’est une question de “confiance”. Ta belle voiture, en l’état actuel des choses est un vulgaire morceau de ferraille, elle ne vaut que si elle fonctionne.
Pierre, forcé d’admettre la pertinence des arguments du vieil homme consent en bougonnant à laisser le volant. Alors, non seulement la voiture se remet en marche sans bruit et sans peine mais les phares éclairent une route parfaitement droite bordée de paysages somptueux.
– Je ne me reconnais pas, mais j’en ai le souffle coupé tellement c’est merveilleux! Ai-je eu un accident? Suis-je-mort? Dit Pierre.
– Oui et non, répondit l’ancien. Tu es pourtant bien ici chez toi! Le paysage qui t’était familier cachait en réalité toutes ces splendeurs.Tu étais connu sous le nom de Pierre, je pourrais maintenant t’appeler René mais j’aime encore mieux que l’on te connaisse désormais sous le nom de Christophe.
Cette petite histoire sans prétention, à l’imagerie peut être un peu puérile, doit servir à montrer que derrière les mots peuvent aussi se cacher des trésors parce qu’ils sont à multiples sens. Je n’en ai pas fait des tonnes, l’important était la « chute ».
Nous sommes tous des Christophe en puissance.
Mais il y a des Christophe fous du volant, des Christophe mauvais conducteurs (chez qui le courant d’Amour passe mal) et les trop rares vrais Christophe qui acceptent à la fois le Christ-Amour comme guide et leur condition de “simples passagers”.
(1) Trouvé sur internet cet article très pertinent qui résume peut être plus clairement ma vision de mon Monde.