Les deux baptêmes
Les textes évangéliques collationnés dans le recueil dit du « nouveau testament », font échos à deux rites baptismaux : un est une immersion dans de l’eau et l’autre une transmission de l’Esprit-Saint par l’imposition des mains.
La tradition judéo-chrétienne partagée par ces deux expressions, soit les confond dans un seul et même mouvement, soit les associe dans deux mouvements successifs.
La frontière qui fait passer de la confusion à l’association, est extrêmement floue et mouvante à l’intérieur d’une même Église et a fortiori d’une Église à une autre.
Mais si on revient aux textes, les deux baptêmes ne peuvent être ni confondus ni associés.
Paul déjà en son temps se voyait contraint de déclarer « il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Éphésiens 4 :5).
Ainsi donc, force est de supposer que dès l’origine, il n’y avait pas un seul seigneur, pas une seule foi et suite logique, pas un seul baptême.
D’ailleurs dans une lettre adressée « aux Hébreux », son rédacteur évoque la question de la « doctrine des baptêmes » (Hébreux 6 :2). D’autre part, il faut aussi en déduire que Paul connaît ou reconnait un seul et unique baptême salvateur, mais lequel ?
Cette question dans le christianisme n’est pas accessoire, elle est fondamentale : « qui sera baptisé sera sauvé » (Marc 16 :16) déclare le Christ dans le plus ancien des évangiles.
Aussi est-il capital de savoir de quel baptême il est question quand le Christ commande à ses disciples : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28 :19).
Si le judéo-christianisme lie cette déclaration au baptême d’eau administré sous la triple invocation rituelle, il suffit d’entendre avec un cœur neuf ce que dit l’Évangile, pour qu’une toute autre vérité apparaisse avec force.
En effet, le Christ déclare à ses disciples : « Jean a baptisé d’eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés d’Esprit-Saint » (Actes 1 :5). Ce « baptême d’Esprit-Saint » annoncé par le Christ, en opposition au « baptême d’eau » institué par Jean-Baptiste, nous savons qu’il est descendu directement du ciel sur les apôtres à la Pentecôte (voir Actes 2 :1-36).
Cette belle allégorie illustre parfaitement la transcendance radicale de l’inspiration chrétienne, elle est céleste, divine, autrement dit spirituelle. Elle éjecte toute antériorité, toute autre origine. Elle ne s’inscrit dans aucune révélation.
Ce faisant, la religion juive est totalement court-circuitée. Elle n’a aucune part dans cette inspiration.
Par la suite, après la pentecôte, les apôtres ont signifié la réception de cette nouvelle inspiration spirituelle, dit Esprit-Saint, par l’imposition des mains.
Ces versets en témoignent : « Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint Esprit » (Actes 8 :17) et « Simon vit que l’Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres » (Actes 8 :18).
Et c’est cette imposition des mains en lien avec la réception de l’Esprit-Saint qui est le baptême appelé de ses vœux par le Christ et par la suite institué par l’Église, celle de Paul en tous cas, comme nous allons le voir.
Le baptême d’eau instauré par Jean-Baptiste, n’est pas le baptême dont parlent le Christ et Paul.
Les évangiles le font dire à Jean-Baptiste lui-même : « Moi, je vous baptise d’eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de délier la courroie de ses sandales. Lui, il vous baptisera d’Esprit-Saint et de feu » (Luc 3 :16).
Sur ce point les quatre évangiles ainsi que les Actes des Apôtres sont unanimes, voir Matthieu 3 :11, Marc 1 :8, Jean 1 :26-33, Actes 1 :5 et 11 :16.
Ce genre de concordance est suffisamment rare pour ne pas le relever.
La confusion grossière que fait le judéo-christianisme entre le baptême d’eau et le baptême du Saint-Esprit, provient certainement d’une lecture trop littérale des écrits.
Il a dû entendre à la lettre cette déclaration du Christ : « En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jean 3 :3). Entendu que le salut est dû à un double baptême, celui de l’eau et celui de l’Esprit, malgré ce qu’affirme Paul comme je suis obligé de le répéter : « il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Éphésiens 4 :5).
Non, en réalité, l’expression « eau et Esprit » désigne une seule et même chose, c’est à dire le baptême du Saint Esprit signifié par l’imposition des mains, et il est facile de le comprendre.
Avec Jean-Baptiste, nous avons déjà vu que le baptême d’Esprit-Saint est associé au feu : « il vous baptisera d’Esprit-Saint et de feu » (Luc 3 :16) ; cela ne veut certes pas dire qu’il existe un baptême d’Esprit-Saint et un autre de feu.
Il est évident que l’image du feu est employée pour souligner l’action divine et purificatrice du Saint Esprit.
Par conséquent les mots « Esprit-Saint » et « feu » sont utilisés de manière complémentaire, pour illustrer une seule et même chose et non pas deux choses distinctes. Pourquoi penser alors, à deux choses distinctes quand il s’agit des mots « eau » et « Esprit » ?
Il coule en effet de source que l’Esprit-Saint est aussi bien associé au feu qu’à l’eau, car elle est également une image de l’action divine et purificatrice.
Un enseignement du Christ nous le démontre quand il utilise l’image de l’eau comme métaphore de l’action du Saint Esprit : « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein » (Jean 7 :38).
C’est sans aucune contestation possible puisque l’évangéliste, au cas où nous l’entendrions pas ainsi, a pris bien soin d’expliciter : « Il dit cela de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui croiront en lui » (Jean 7 :39).
Paul fait exactement de même, avec l’eau il joue sur les sens de ce mot pour imager l’action de l’Esprit.
Il écrit en parlant du Christ et du baptême : « Il nous sauva […] par le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit-Saint » (Tite 3 :5) et quand il s’adresse aux baptisés, il leur dit : « nous avons tous étés abreuvés d’un seul Esprit » (I Corinthiens 12 :13).
Au sujet du baptême comme signe d’une conversion à la nouvelle parole révélée par l’Esprit, Paul écrit à propos de l’Église, que le Christ « a voulu ainsi la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau dans une parole » (Éphésiens 5 :26).
Le rédacteur de l’épître de Pierre en faisant un parallèle avec un mythe connu, explique que « cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu » (I Pierre 3 :21).
Dans la même lignée il est écrit ailleurs « sois baptisé et lavé de tes péchés » (Actes 22 :16).
Ainsi, quand le mot : « eau » est associée avec le baptême, il ne s’agit pas nécessairement de l’immersion dans un bain d’eau matérielle, mais plus certainement de l’imposition des mains, qui fait couler le Saint-Esprit sur la tête du récipiendaire.
C’est comme cela que se signifie le vrai baptême chrétien, celui d’eau et de feu de l’Esprit.
Approfondissons en prenant des exemples.
Le livre des Actes des Apôtres nous donne à voir la distinction que faisaient les apôtres entre le baptême d’eau institué par Jean-Baptiste et le baptême du Christ transmettant le Saint Esprit.
Voici ce qu’il est écrit noir sur blanc quand Paul découvre des croyants à Éphèse, il leur demande : « quel baptême avez-vous donc reçu ? Le baptême de Jean répondirent-ils. Paul dit alors : Jean à baptisé d’un baptême de repentance, en disant au peuple de croire en celui qui viendrait après lui, c’est-à-dire en Jésus. À ces mots, ils se firent baptiser au nom du Seigneur Jésus et quand Paul leur eut imposé les mains, l’Esprit-Saint vint sur eux » (Actes 19 :3-6).
Prenons garde de ne pas différencier dans cette dernière phrase, le baptême au nom du Seigneur Jésus et l’imposition des mains, comme peuvent le laisser accroire les différentes ponctuations des traductions judéo-chrétiennes.
En effet, toutes ponctues entre « ils se firent baptiser au nom du seigneur Jésus » et « et quand Paul leur eut imposé les mains », pourtant le texte Grec, qui ignore toute forme de ponctuation, place entre ses deux phrases un article de conjonction.
Il ne sépare pas mais relie tout au contraire. Mais c’est parce que les judéo-chrétiens dissocient le baptême au nom du seigneur Jésus et l’imposition des mains transmettant le Saint Esprit, qu’ils trouvent logique de séparer ce qui est en réalité une seule et même chose.
Autre exemple tiré des Actes des Apôtres : « Tous les croyants circoncis qui étaient venus avec Pierre furent étonnés de ce que le don du Saint Esprit soit aussi répandu sur les païens […] Alors Pierre reprit : Peut-on refuser l’eau du baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous ? Il ordonna de les baptiser au nom de Jésus-Christ » (Actes 10 :45-48).
Qui peut affirmer qu’il s’agit ici du baptême d’eau de Jean-Baptiste administré au nom de Jésus-Christ, si l’on sait que le baptême de Jésus-Christ transmet l’eau purificatrice du Saint-Esprit par l’imposition des mains ? Mais ce n’est pas dans cette considération que se trouve la pointe de ce passage.
S’il nous montre Pierre ordonner le baptême, c’est-à-dire l’imposition des mains comme on est en droit de le penser, c’est qu’il veut attester aux yeux de tous, c’est-à-dire en particulier des croyants juifs encore imbus de leur prédilection, que Dieu ne fait acception de personnes (Romains 2 :11) et que l’Esprit-Saint souffle là où il veut (Jean 3 :8).
Pierre valide la présence du Saint Esprit en ces païens devenu chrétiens par eux-mêmes pour ainsi dire, car comme les disciples à la pentecôte, ils ont reçu le baptême du Saint Esprit directement de Dieu.
Pierre exprime ce parallèle un peu plus loin dans un autre passage : « Lorsque je me mis à parler, le Saint-Esprit descendit sur eux, comme il l’avait fait au commencement sur nous aussi » (Actes 11 :15).
Prenons encore un autre exemple, celui du baptême de Paul.
Il est écrit ceci : « Ananias […] imposa les mains à Paul et dit : Saul, mon frère, le seigneur Jésus […] m’a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli d’Esprit Saint. Au même instant, il tomba de ses yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Il se leva et fut baptisé » (Actes 9 :17-18).
Si l’on voit bien la transmission du Saint-Esprit par l’imposition des mains, l’on ne voit nulle part trace de l’eau dans ce baptême.
Ne supposons pas dans cette dernière phrase : « Il se leva et fut baptisé » que le baptême du Saint-Esprit fut suivi du baptême d’eau.
Non, le rédacteur des Actes a voulu probablement émettre l’idée que relevé par l’Esprit-Saint, Paul était baptisé.
Le texte en Grec le laisse entendre. À la place du mot lever de nos traductions c’est le mot anastasis qui est employé et ce mot est précisément celui utilisé par les évangélistes pour le relèvement du Christ après sa mise à mort, que les traductions traduisent par résurrection.
La symétrie n’est pas fortuite. C’est un thème paulinien par excellence : « ayant été ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui » (Colossiens 2 :12).
D’ailleurs, le témoignage de Paul le confirme, quand il rapporte cet exhortation de Dieu à son égard : « Lève-toi, sois baptisé et lavé de tes péchés » (Actes 22 :16).
On reconnaît également dans cette exhortation, le même propos significatif du Christ : « Qu’est-ce qui est plus facile de dire au paralytique : tes péchés sont pardonné, ou de dire : lève-toi, prends ton lit et marche ? » (Marc 2 :9).
Cette image du relèvement de Paul par le baptême de l’imposition des mains, parce qu’il renaît à l’Esprit et meurt à la chair, vient à la suite de l’autre image des écailles.
Par le biais de cet illustration de l’aveuglement physique de Paul, c’est son aveuglement spirituel qui est exprimé en réalité.
Sans doute, cela image que la réception de l’Esprit-Saint va de pair avec l’éclairement spirituel.
Paul écrira d’ailleurs quel est la raison de cet aveuglement « Si notre Évangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent ; pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l’intelligence, afin qu’ils ne vissent pas briller la splendeur de l’Évangile » (II corinthiens 4 :3-4).
De l’aveu même de Paul, on peut en déduire que son aveuglement provenait de sa foi, celle de ses pairs, au dieu créateur de ce monde.
Pour en revenir au baptême, de tous les récits baptismaux d’après la pentecôte, un seul se fait incontestablement dans de l’eau.
Il s’agit du baptême d’un Éthiopien par Philippe en Actes 8 :36-39. Mais il est impossible de prendre ce récit au pied de la lettre, car le texte dit : « Quand ils furent remontés hors de l’eau, l’esprit du Seigneur enleva Philippe, et l’eunuque ne le vit plus » (Actes 8 :39). Peut-on croire un seul instant que le Saint Esprit à enlevé physiquement Philippe ?
Non bien entendu. Ce récit est donc une allégorie.
L’enlèvement de Philippe illustre, sans nul doute, l’idée qu’un baptisé devient autonome sur le plan spirituel. Il peut suivre sa route tout seul, il n’a plus besoin d’un guide ou d’un tuteur. Il n’a plus de directeur de conscience puisqu’il a reçu l’Esprit-Saint en lui.
Au même titre, le baptême dans l’eau est certainement une métaphore de l’immersion dans l’effusion de feu du Saint Esprit.
Si nous délaissons un peu maintenant l’herméneutique pour nous reporter sur une exégèse un peu plus historique des textes évangéliques ; nous pouvons penser qu’il y a eu tout d’abord une perception confuse entre le ministère de Jean-Baptiste et celui de Jésus. L’évangile de Jean nous donne quelques pistes, il rapporte que deux disciples de Jean-Baptiste, sur l’indication de celui-ci, sont passés directement disciples de Jésus (voir Jean 1 :35-37).
Il est aussi mentionné que les disciples du Christ ont baptisé d’eau à côté de Jean-Baptiste : « Jésus se rendit avec ses disciples dans la terre de Judée ; et là, il séjournait avec eux et baptisait. Jean aussi baptisait à Enon, près de Salim, parce qu’il y avait beaucoup de points d’eau ; on s’y rendait pour être baptisé » (Jean 3 :22-23).
Il faut faire attention de ne pas associer ce verset au fait que Jésus baptisait d’eau lui-même car l’évangéliste prend bien soin de préciser un peu plus loin que « Jésus ne baptisait pas lui-même, mais c’était ses disciples » (Jean 4 :2).
Il semble donc plausible que dans l’esprit de tous ces juifs baptisés d’eau, ils aient mélangé ce qu’ils avaient reçu de Jean-Baptiste, c’est à dire son immersion dans l’eau, à ce qu’ils percevaient de l’enseignement de Jésus qu’ils prenaient pour un rabbi ou comme le messie annoncé.
Il faudra d’ailleurs pas mal de temps aux disciples même de Jésus, pour s’affranchir du magma messianique judéo-baptiste et comprendre que ce Jésus tenait un discours tout autre de ce qu’ils attendaient.
Mais pour cela, il a fallu que Jésus s’efface au profit du Christ, afin que son message puisse ressortir.
C’est pourquoi l’évangéliste Jean fait dire au Christ à ses disciples : « je vous dis la vérité : il est avantageux pour vous que je parte, car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai » (Jean 16 :7) et : « Quand sera venu le Paraclet que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il rendra témoignage de moi » (Jean 15 :26) et encore : « quand il sera venu, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité » (Jean 16 :13).
Paul témoigne de cet accomplissement de la promesse du Christ, il écrit : « Je vous le déclare, frères, que l’évangile qui a été annoncé par moi n’est pas de l’homme car moi-même je ne l’ai ni reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ » (Galates 1 :11-12).
Ainsi, seuls les quelques hommes baptisés d’Esprit-Saint, ce que Paul appelle les teleioi (les parfaits), ont eu connaissance de la voie parfaite qui mène au Salut, c’est-à-dire du baptême du Saint Esprit et de ce que cela engage.
À leur tour, ils ont eu la rude tâche de le propager, comme le Christ le leur a commandé : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit » (Matthieu 28 :19-20).
Plongés au milieu auquel ils appartenaient, les apôtres se sont trouvés en situation d’écartèlement : Prêcher l’Évangile tout en maintenant les apparences de la foi environnante pour s’en servir comme tremplin afin d’en détourner progressivement les croyants, comme Jésus l’avait fait pour eux.
C’est bien dans ce sens qu’il faut entendre cet envoi du Christ à ses disciples : « Voici : je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme des colombes » (Matthieu 10 :16).
Le Christ indique par-là, qu’en milieu hostile il faut user de finesse. Il faut proclamer la vérité tout en la dissimulant, comme Jésus ne s’est pas caché de le faire et de le dire lui-même : « je leur parle en parabole, parce qu’en voyant ils ne voient pas, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent » (Matthieu 13 :13).
Les écrits chrétiens rendent parfaitement cet état d’esprit dont ils en sont aussi le produit.
C’est pour cela, dans un premier temps, que l’on voit, en particulier dans le récit des Actes des Apôtres, les apôtres avoir le souci constant de maintenir les apparences juives : Prières au temple, lecture de la torah, observances de la loi mosaïque et des rites divers, tels que la circoncision et les interdits alimentaires.
Ce comportement est mis en relief dans le récit de la visite de l’apôtre des juifs, Pierre, à l’apôtre des païens, Paul qui, lui, vit dans un tout autre milieu. Paul raconte : « lorsque Pierre vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il s’était mis dans son tort. En effet, avant que soient venus les gens envoyés par Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais, après leur arrivée, il se mit à se dérober et se tint à l’écart, par crainte des circoncis ; et les autres Juifs entrèrent dans ce double jeu. Mais, quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la juive comment peux-tu contraindre les païens à se comporter en Juifs ? » (Galates 2 :11-14).
Pourtant Paul lui aussi a agit de même quand il en a été contraint. Il est rapporté au sujet d’un de ses compagnons que « Paul voulut l’emmener ; il le prit et le circoncit, à cause des juifs du lieu, car tous savaient que son Père était grec » (Actes 16 : 3).
Parallèlement, comme nous pouvons le déduire, les apôtres ont été aussi plus ou moins forcés de jongler avec la pratique du baptême d’eau de Jean-Baptiste du milieu auquel il s’adressait en premier, celui des judéo-baptistes, qui n’était rien d’autres qu’un vivier où puiser.
Pas plus que les apôtres n’eurent envie de remettre en question publiquement la religion mosaïque, ils ne remirent en question la pratique baptismale héritée de Jean-Baptiste, donné probablement au nom du Christ par certains.
Un passage des Actes des Apôtres pourrait en effet, le laisser penser : « quand les apôtres, qui étaient à Jérusalem, apprirent que les habitants de la Samarie avaient reçu la parole de Dieu, ils leur envoyèrent Pierre et Jean. Ceux-ci, descendus chez eux, prièrent pour eux, afin qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint. Car il n’était descendu sur aucun d’eux ; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint Esprit » (Ac 8, 14-17).
Sans doute, les apôtres tolérèrent-ils le baptême d’eau comme signe d’un premier pas vers la foi en Christ, comme peut encore le laisser penser à la rigueur cette exhortation de Pierre : « Pierre leur dit : Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint Esprit » (Ac 2, 38).
Mais ce verset doit-être plus certainement compris tout autrement, en ne distinguant pas le baptême au nom de Jésus, le pardon des péchés et la réception de l’Esprit-Saint qui forment un seul et même tout.
Peu importe, c’est probablement de cet amoncellement d’ambiguïtés que découle la fatale confusion entre le baptême d’eau et celui du Saint Esprit.